Ecole Jungienne de Psychanalyse Animiste,
- louison brothier
- 1 sept.
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Dernière mise à jour : 20 sept.
Les nœuds de l’âme : ce que la psychologie analytique écoute quand la vie se dérobe
« L’âme souffre lorsqu’elle est privée de sens. »
— C.G. Jung, L’homme à la découverte de son âme, 1934
là où le fil se noue
La psychologie analytique s’adresse à ceux qui trébuchent intérieurement. Non pas pour les ajuster au monde, ni pour leur offrir une solution technique, mais pour écouter ce qui, en eux, se noue : un fil de vie tendu, enroulé, tordu, parfois brisé. Ces nœuds de l’âme sont les signes que quelque chose résiste, appelle, dérange. Là où la science constate une anomalie, un symptôme, la psychologie jungienne pressent une histoire en quête de narration, un mythe en travail.
Elle ne cherche pas à dénouer à tout prix, mais à comprendre pourquoi ça se noue là, et ce que ce nœud veut dire.
« La névrose est toujours l’expression d’un conflit existentiel, le témoignage d’une disharmonie entre le moi et l’âme. »
— Marie-Louise von Franz, La voie des rêves, 1976
Les nœuds dans le fil de la vie
Vivre, c’est accepter que l’âme tisse son propre motif, avec ses fils clairs et ses fils sombres. Il arrive que le fil se bloque, que l’on répète des erreurs, que des événements sans sens apparent se succèdent. C’est là, précisément, que l’approche analytique intervient.
Le nœud existentiel – une dépression, un deuil non traversé, un vide – devient alors un symbole, une porte vers une autre compréhension de soi.
« Ce qui ne va pas dans notre vie n’est pas une erreur mais un appel du Soi. »
— James Hillman, Le rêve et le monde souterrain, 1979
Ces tensions internes ne sont pas des bugs psychiques, mais des zones d’initiation. Elles nous demandent : “à quoi n’as-tu pas encore prêté attention ?”.
Les nœuds dans l’amour : quand l’autre réveille l’intérieur
Aimer n’est pas simple. L’amour vrai n’est pas la fusion ou le fantasme réalisé, mais souvent une rencontre avec l’inconnu de soi à travers l’autre. C’est dans la relation que les anciens nœuds de l’âme remontent : attachements précoces, blessures d’enfance, manque de reconnaissance.
« L’Anima chez l’homme, l’Animus chez la femme, ne cessent de projeter sur l’être aimé les attentes du cœur blessé. »
— C.G. Jung, Aion, 1951
L’autre devient le support de projections, parfois la figure du parent idéalisé ou détesté. Ces transferts nourrissent les conflits, les déceptions. Mais ils peuvent aussi devenir des occasions de conscience. Car chaque nœud amoureux, chaque drame relationnel, contient un appel à la différenciation, à l’individuation.
Les nœuds de la haine : l’ombre projetée
Détester, c’est souvent rejeter à l’extérieur ce que l’on ne veut pas voir en soi. La haine est un signal d’un conflit intérieur projeté sur le monde. La psychologie analytique parle ici d’ombre : la part refusée de notre être.
« Plus une attitude est unilatérale, plus son contraire est inconscient. »
— C.G. Jung, Types psychologiques, 1921
La haine peut être l’un de ces nœuds serrés, très anciens, liés à une injustice vécue, une humiliation jamais digérée. Défaire ce nœud ne consiste pas à “pardonner” moralement, mais à ramener en soi la part expulsée, à reconnaître son propre feu.
Les nœuds du désir : quand la vie se tend sans but
Le désir humain est complexe, contradictoire, fuyant. Il tend la psyché vers l’avant mais peut aussi l’égarer dans des quêtes impossibles. Pour Jung, le désir n’est pas seulement pulsion : il est chargé d’images archétypiques, d’attentes inconscientes de totalité, de réconciliation avec le Soi.
« Ce que l’homme cherche dans ses désirs les plus profonds n’est jamais un objet, mais une rencontre avec lui-même. »
— C.G. Jung, Psychologie et alchimie, 1944
Lorsque le désir tourne à vide ou devient compulsif, c’est souvent qu’un nœud s’est formé entre le besoin légitime et une image inconsciente qui l’entrave. Ce travail se fait dans l’analyse, à travers les rêves, les résistances, les répétitions.
Les nœuds de la mort : finitude et transformation
La mort psychologique – perte d’un sens, d’un être, d’une identité – est peut-être le plus grand nœud de l’âme. Elle confronte le Moi à ses limites. Mais pour Jung, cette confrontation n’est pas une fin en soi. Elle est une condition de transformation.
« Toute transformation exige la mort d’une partie de soi. »
— Marie-Louise von Franz, Les rêves et la mort, 1984
Accepter la mort, ou ses symboles dans la vie (vieillissement, perte, deuil), c’est entrer dans le processus alchimique, où le plomb de la souffrance peut devenir l’or de la conscience. Les nœuds de l’âme liés à la finitude deviennent alors des seuils, des initiations.
Ce que la science ne voit pas, l’âme le vit
La science cherche la régularité, l’explication, la mesure. Elle opère souvent par réduction. Mais ce que vit l’âme – ses désirs, ses peurs, ses émerveillements – échappe à la quantification. La psychologie analytique, elle, accueille l’inexplicable. Elle donne droit à l’invisible, au symbolique, au numineux.
« Le but de la psychologie n’est pas de rendre la vie plus facile, mais de lui donner du sens. »
— C.G. Jung, L’âme et la vie, 1947
Ce sens ne se construit pas par des concepts, mais par l’écoute des images intérieures, par l’attention portée aux rêves, aux intuitions, aux synchronicités. Le thérapeute n’est pas un technicien : il est un témoin de la traversée.
Dénouer ou consentir ?
Les nœuds de l’âme ne sont pas tous à défaire. Certains doivent être respectés, traversés, habités. Le but n’est pas la perfection psychique, mais l’authenticité. Être soi, ce n’est pas être lisse : c’est porter ses nœuds avec conscience, en faire des signes de profondeur, des marques d’histoire, des symboles vivants.
« Il n’est pas donné à l’homme de résoudre tous ses conflits, mais il peut apprendre à les porter. »
— James Hillman, Re-visioning Psychology, 1975
LBL
Bibliographie utilisée :
• Jung, C.G., Psychologie et alchimie, Buchet-Chastel, 1944
• Jung, C.G., L’homme à la découverte de son âme, Albin Michel, 1934
• Marie-Louise von Franz, Les rêves et la mort, La Fontaine de Pierre, 1984
• Marie-Louise von Franz, Psychologie de l’amour, La Fontaine de Pierre, 1986
• James Hillman, Re-Visioning Psychology, Harper Perennial, 1975
• James Hillman, Le code de l’âme, Le Livre de Poche, 1996


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